BOSCH DREAMS – Entrevue avec Samuel Tétreault

Bosch Dreams juin 20, 2019

Entrevue réalisée par le média « Le Circassien ».

Samuel Tétreault, directeur artistique aux 7 Doigts et créateur du spectacle BOSCH DREAMS

Pourquoi avoir choisi de faire un spectacle sur le peintre Jérôme Bosch ? Que vous inspire-t-il ?

Dès mon plus jeune âge j’ai développé un intérêt et une sensibilité pour les arts visuels. Mon père, Michel Tétreault, a dirigé l’une des galeries d’art contemporain les plus réputées de Montréal dans les années 80 et 90. Notre maison était une extension de la galerie avec des œuvres sur chaque mur et même jusque sur le terrain devant la rue où quelques sculptures abstraites faisaient tourner la tête des voisins. J’assistais souvent aux vernissages et adolescent j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux artistes qui exposaient chez mon père, parmi lesquels quelques-uns des grands noms de l’art contemporain québécois; les Françoise Sullivan, Jacques Hurtubise et Jean-Paul Riopelle notamment. Ces rencontres, de même que plusieurs visites à des ateliers d’artiste ont aussi éveillé ma curiosité envers le métier d’artiste.

Bien que mon destin m’ait plutôt conduit vers les arts du cirque j’ai toujours gardé cette curiosité et cet intérêt pour les arts visuels. La première fois que je suis entré en contact avec l’œuvre de Bosch était il y a un peu plus de vingt ans… Je profitais alors de mes voyages en tant qu’artiste de cirque avec le spectacle Alegria pour visiter de nombreux musées et jardins de sculpture à travers le monde et c’est en Espagne, au musée du Prado à Madrid, que j’ai découvert l’existence de Jérôme Bosch et de son fameux triptyque du Jardin des Délices.

Une amie m’avait dit que cette œuvre monumentale était l’un des incontournables du musée. Je me souviens d’une certaine anticipation puis d’un fort sentiment d’admiration et de respect en découvrant pour la première fois le Jardin des Délices de Bosch. Je m’y suis plongé longuement, fasciné par les innombrables détails et la créativité mystérieuse de ce peintre du moyen âge. Quelques semaines plus tard, au court du même voyage, je suis allé visiter la maison-atelier et le musée de Salvador Dali près de Barcelone… De même que pour Bosch, c’est d’abord la créativité sans limite et l’authenticité absolue de Dali qui m’ont profondément marqué. Ces deux « rencontres », l’une avec le précurseur du surréalisme et l’autre avec son plus illustre représentant, allaient, près de vingt ans plus tard, être déterminantes pour la création de BOSCH DREAMS.

Cependant, il m’est impossible d’expliquer la genèse de ce spectacle sans mentionner une troisième rencontre décisive : celle avec Ange Potier, l’artiste/illustrateur qui a réalisé les décors et les films d’animation du spectacle. En 2012 alors que nous travaillons ensemble à la création d’un autre spectacle, Ange me montre un court-métrage d’animation qu’il vient de réaliser à partir du Jardin des Délices de Bosch. Le film est magnifique et son univers onirique me laisse alors une impression très forte.

Deux ans plus tard, quand j’ai reçu l’invitation d’un co-producteur Hollandais et de la Fondation Jheronimus Bosch 500 pour créer un spectacle de cirque en hommage au 500ème anniversaire de la mort de Bosch, j’ai immédiatement eu l’idée de créer un spectacle en collaboration avec Ange, et d’utiliser des animations des tableaux de Bosch en guise de scénographie.

Au-delà du mariage presque naturel entre les arts du cirque et l’univers surréaliste de Bosch, c’est l’idée de rendre hommage à l’un des artistes les plus fascinant de l’histoire de l’art qui est à la base de Bosch Dreams.

Bosch a remis en question le système de croyances de son époque, mettant de l’avant une façon de penser plus individualiste et plaçant l’humain au centre de ses choix. Ses peintures ont soulevé des questions existentielles qui sont encore pertinentes aujourd’hui. Son œuvre, qui semble toujours en équilibre sur une ligne très mince entre le Bien et le Mal, a su exprimer les nuances de l’être humain : civilisé mais sensuel, empathique mais animal.

Au fil du temps Jérôme Bosch a inspiré d’innombrables artistes depuis Salvador Dali, en passant par Jim Morrison, jusqu’à certains artistes encore aujourd’hui et à travers lesquels il continue de vivre… 500 ans après sa mort.

Créer un hommage à un tel artiste c’est l’occasion de célébrer le rôle même de l’artiste et de l’œuvre qu’il laisse derrière lui. Et Bosch nous ramène à l’essentiel justement, notre rapport à la mort, la conscience que la vie est périssable et que, comme les fruits du jardin, elle est à saisir aujourd’hui, maintenant.

Quel est le challenge / intérêt de mixer plusieurs arts tels que le cirque, la peinture… ?

Depuis les tous débuts des 7 doigts nous avons toujours aimé intégrer différentes formes artistiques à nos spectacles comme autant de manière de toucher le public. Ces différentes formes artistiques (théâtre, danse, vidéo…) sont utilisées en complémentarité avec les arts du cirque et au service de l’histoire ou de l’émotion que l’on cherche à exprimer. Bosch Dreams est un mélange de cirque, de cinéma d’animation et de théâtre utilisés en complémentarité avec l’œuvre picturale de Bosch. Il en résulte un spectacle unique qui ne peut être confiné à une seule catégorie ou un seul genre et qui plutôt a le potentiel de toucher autant les publics de théâtre, de cirque ou d’art visuel. L’un des défis de Bosch Dreams était l’intégration de film d’animation dans un spectacle vivant afin de créer une expérience fluide pour le spectateur qui se retrouve tantôt comme au cinéma à regarder un film et tantôt comme au théâtre sans qu’il ne réalise vraiment comment on le fait passer d’une convention à l’autre. Ainsi les arts visuels et le travail d’animation vidéo réalisé par Ange ne servent pas simplement d’écrin visuel mais prennent carrément, lors des quelques courts-métrage d’animation, le relais pour tisser le fil dramaturgique du spectacle.

Quelle a été la plus grande difficulté que tu ais rencontré lors du processus de création ?

Comme trop souvent en création il n’y a jamais assez de temps mais dans le cas de Bosch Dreams nous avons dû faire des miracles… Au total lors de la création initiale en 2016 nous n’avons eu qu’une semaine de workshop et trois semaines de répétitions pour créer le spectacle avec les artistes. De son côté Ange n’avait eût que 6 mois pour préparer en amont toutes les séquences d’animation vidéo à lui seul! Et comme il y a en plus 4 court-métrages dans lesquels les artistes devaient être filmés en « green screen » pour ensuite être intégrés dans le montage vidéo, ces tournages ne pouvaient pas être fait en avance et ont été réalisés pendant les répétitions du spectacle puis finalisés quelques jours seulement avant la première. Aussi, étant donné le temps de création très limité avec les artistes, j’ai dû écrire et « storyboarder » de façon très précise le spectacle en amont afin de respecter le travail d’animation vidéo préparé par Ange. Ainsi, contrairement au processus typique de créations des 7 doigts, qui « s’écrivent » en grande partie à partir des improvisations des artistes pendant les répétitions, la création de Bosch Dreams ne permettait pas autant d’exploration avec les artistes en cours de création.

Mais en réalité la plus grande difficulté pour moi lors du processus de création a été d’accompagner mon ami Martin Tulinius, avec qui je devais co-diriger la création du spectacle, au cours des dernières semaines de sa lutte en phase terminale d’un cancer du cerveau foudroyant. Martin était le directeur artistique du Théâtre Republique qui a coproduit le spectacle et où nous avons fait la création à Copenhague. Nous avions fait la semaine de workshop ensemble au mois de mai 2016 quand il a appris qu’il avait un cancer. À mon retour à Copenhague début août, Martin était déjà entré aux soins palliatifs à l’hôpital. J’ai donc dirigé seul la création et j’allais presque chaque soir après les répétitions au chevet de mon ami lui donner des nouvelles de l’évolution de notre projet. C’était toute l’ironie de la vie que de travailler à la mise en scène d’un spectacle qui célèbre la mort d’un artiste, alors que l’ami artiste avec qui j’avais rêvé créer ce spectacle était lui-même mourant… surréaliste et tragique. Mais cette pensée, que je contribuais à réaliser son dernier rêve de création, m’a permis de continuer jusqu’au boût. Martin a été autorisé à sortir de l’hôpital pour assister à l’avant-première du spectacle le 1er septembre, puis à nouveau la semaine suivante pour voir le résultat final suite à ses notes. Il est décédé le 10 octobre 2016. Le spectacle Bosch Dreams lui est dédié.

Pourquoi avoir intégré un conférencier dans le spectacle ?

Pour les aficionados, Jérôme Bosch est l’un des artistes les plus fascinants de tous les temps, mais pour une grande majorité de gens il est pratiquement inconnu. En fait, quand j’ai commencé à travailler à l’écriture du spectacle, j’ai testé les gens autour de moi et je me suis rendu compte que même dans le milieu des arts de la scène un grand nombre de collègues ne connaissaient pas l’œuvre de Bosch ou même n’avait jamais entendu parler de lui !

J’ai donc eu envie, afin de créer un réel hommage à Jérôme Bosch, de le faire découvrir à un plus large public… d’où le parti pris de donner à voir son œuvre directement aux spectateurs à travers les projections vidéo du spectacle plutôt que de simplement l’évoquer de manière abstraite. Et puis quoi de mieux qu’un prof passionné de Bosch pour nous guider à la découverte de son œuvre.

Pour imaginer le rôle du Professeur Thomas dans le spectacle je me suis inspiré du Bosch Research and Conservation Project, un regroupement international de chercheurs spécialistes de l’œuvre de Bosch qui a œuvré pendant 7 ans à préparer la grande exposition pour le 500e anniversaire de la mort du peintre présentée au Het Noordbrabants Museum à Bois-le-Duc en 2016. J’ai donc imaginé un intellectuel passionné qui aurait consacré sa vie à l’étude de l’œuvre de Bosch mais qui, par le fait même de cette passion dévorante, aurait négligé de réellement s’investir dans sa propre vie. À la veille du point culminant de sa carrière, alors qu’il cherche le sens profond de l’œuvre de Bosch pour rédiger la conclusion de la conférence qu’il doit prononcer à l’ouverture de cette grande exposition, le professeur Thomas se retrouve confronté au sens de sa propre vie.

En quoi ce spectacle se différencie de tes autres mises en scène (Vice et vertu, Triptyque…) ?

Chacune de mes créations est un univers en soi et souvent diffère complètement de la précédente et de la suivante.  L’une des choses que je préfère le plus dans mon travail de directeur artistique est la possibilité d’explorer différents processus de création et différents métissages du cirque avec d’autres formes artistiques…

Triptyque, créé en 2015, était un projet motivé par un désir très personnel d’explorer les possibilités de dialogue entre la danse et le cirque et d’aller à la rencontre, autant comme directeur artistique que comme interprète sur scène, du processus créatif de trois chorégraphes de renom. Ma collaboration avec ces chorégraphes m’a permis d’explorer un travail plus abstrait et moins narratif que mes créations précédentes via une approche essentiellement chorégraphique.

Vice et Vertu, créé en 2017 pour le 375e anniversaire de Montréal, était une fresque historique inspirée d’événements et de personnages réels qui ont marqués l’histoire de Montréal. Dans le cadre de cette création j’ai fait appel à un historien ainsi qu’à un dramaturge pour peaufiner le scénario et les textes de ce parcours-spectacle immersif de plus de 3h qui mettait en scène près de 80 personnages du Montréal des années 1910 à 1950. Cette création dont la distribution comptait une trentaine d’artistes m’a donné l’opportunité de collaborer avec des acteurs et des musiciens en plus des artistes de cirque. Cette opportunité m’a permis d’approfondir une approche plus théâtrale de la mise en scène en complémentarité avec les arts du cirque.

Bosch Dreams est une réponse à une invitation… une commande en quelque sorte, pour commémorer le 500e anniversaire de la mort d’un peintre célèbre. Il y avait donc aussi un grand travail de recherche historique et de documentation à effectuer en amont… Et c’est pour moi un plaisir aussi grand, quand j’aborde un projet de création, d’avoir un thème ou un sujet imposé, d’avoir à le découvrir et se l’approprier, que de partir de la page blanche de mes seules envies artistique comme piste de recherche. Je crois que ce qui distingue réellement Bosch Dreams de mes autres créations est ce mélange unique entre le cirque et le cinéma d’animation. La collaboration avec un animateur/illustrateur dès l’étape d’écriture du spectacle m’a permis d’imaginer des liens, des transitions et des effets de mise en scène qui nous entraine de manière parfaitement fluide entre le spectacle vivant et le cinéma d’animation.

Lorsque l’on assiste au spectacle, on se voit transporté dans un univers imaginaire ou des tableaux prennent vie. Comment as-tu réussi à faire cela ?

L’univers des peintures de Bosch avec son aspect surréaliste et onirique se prête bien à imaginer toute sorte de fantaisies… tout est possible dans ce monde peuplé d’animaux imaginaires, de fruits géants, de monstres et d’allégories… Les tableaux de Bosch prennent vie tout au long du spectacle grâce aux rêves entrecroisés des différents personnages et à leurs aller-retours entre le monde réel et celui des peintures de Bosch. Ces voyages « spatio-temporels » sont marqués par des éléments de décor ou des personnages des peintures de Bosch (un œuf géant, un monstre, Ève) qui apparaissent d’abord sous forme de projections vidéo avant de faire irruption sur scène ou à l’inverse par des personnages du réel (Jim Morrison, Dali, Julia – la fille du professeur) qui voyagent depuis la scène jusqu’à l’intérieur d’un film d’animation où les paysages et les personnages de Bosch prennent vie.

En 3 mots comment qualifierais-tu ce spectacle ?

Onirique, Mystérieux, Envoutant

Bosch Dreams à fait le tour du monde et a été acclamé dans plusieurs pays. Quel en est ton meilleur souvenir ?

Mon meilleur souvenir est la première du spectacle en Hollande en septembre 2016 pour le public de ‘s-Hertogenbosch (Bois-le-Duc), la ville de naissance Jérôme Bosch. Il y avait sur place plusieurs dignitaires hollandais responsable de cette « année hommage » pour le 500e de la mort de Bosch, des gens du Het Noordbrabants Museum, de nombreux connaisseurs et afficionados de Bosch et bien sûr les citoyens de Bois-le-Duc. L’accueil dithyrambique et les commentaires élogieux qu’Ange et moi avons reçu après le spectacle nous confirmaient qu’on avait réussi notre pari de créer un spectacle qui saurait toucher à la fois les néophytes que les plus grand afficionados de Bosch. Un autre souvenir mémorable a été la première à Hong Kong où le spectacle était présenté avec sous-titre en chinois et où, malgré la grande différence culturelle, la réception a été des plus enthousiaste. Enfin je crois que pour les artistes, l’un des moments les plus mémorable a été de jouer en Espagne et d’aller voir en vrai pour la première fois le triptyque du Jardin des Délices au musée du Prado à Madrid.

Quel effet cela te fait de présenter une dernière fois le spectacle à Montréal lors du Festival MONTRÉAL COMPLÈTEMENT CiRQUE ?

Et bien je suis très content que le show puisse enfin être vu à Montréal et pouvoir le partager avec mes amis, ma famille et avec le public montréalais! Aussi je sais que je vais en quelque sorte à vivre un deuil… celui d’une œuvre… C’est le propre de l’art vivant… contrairement aux peintures qui restent, l’art vivant ne perdure qu’à travers l’expérience des spectateurs, leurs souvenirs et l’influence qu’il a potentiellement sur leur esprit et dans leur vie. Alors après le 14 juillet, soir de la dernière représentation du spectacle, restera pour moi le souvenir d’une aventure extraordinaire partagée avec tous les artistes qui auront depuis 3 ans permis de donner vie à ce rêve créatif, qui aura été le dernier que j’aurai partagé avec mon ami et collègue Martin Tulinius.

Bosch Dreams est dédié à la mémoire de Martin Tulinius (1967 – 2016) dont l’enthousiasme et la passion créative ont été essentiels à la naissance de ce rêve artistique.

À l’instar de Bosch, Martin était conscient du caractère périssable de la vie et que ce qui compte vraiment, c’est comment nous choisissons de la vivre pendant qu’elle nous appartient. Il a choisi de vivre la sienne pleinement, inspirant nombre de gens tout au long de son chemin. Puisse son esprit joyeux continuer de vivre à travers ce spectacle.

Quels sont le défi et l’intérêt de combiner plusieurs arts comme les arts visuels avec le cirque?

Nous avons toujours souhaité intégrer différentes formes artistiques à nos spectacles depuis les débuts des 7 Doigts. Nous percevons celles-ci comme étant différentes façons de toucher le public. Ces différentes formes artistiques, telles que le théâtre, la danse et la vidéo, sont utilisées en complémentarité avec les arts du cirque en rendant service à l’histoire ou à l’émotion que nous cherchons à exprimer. Bosch Dreams est un mélange de cirque, de cinéma d’animation et de théâtre utilisés en complémentarité avec l’œuvre picturale du peintre Jérôme Bosch. Il en résulte un spectacle unique qui ne peut être confiné à une seule catégorie ou un seul genre. Il peut autant toucher les publics de théâtre, de cirque ou d’art visuel. L’un des défis de Bosch Dreams était l’intégration de films d’animation dans un spectacle vivant afin de créer une expérience fluide pour le spectateur; celui-ci se retrouve tantôt comme au cinéma à regarder un film et tantôt comme au théâtre, sans qu’il ne réalise vraiment comment nous l’avons transporté d’une convention à l’autre. Ainsi, les arts visuels et le travail d’animation vidéo réalisés par Ange Potier ne servent pas simplement d’écrin visuel mais prennent carrément, lors des quelques courts métrages d’animation, le relais pour tisser le fil dramaturgique du spectacle.

Pourquoi avoir intégré un conférencier qui informe le public durant le spectacle ?

Jérôme Bosch est à la fois pour les aficionados l’un des artistes les plus fascinants de tous les temps, mais il est aussi pratiquement inconnu pour une grande majorité de gens. En fait, lorsque j’ai commencé à travailler à l’écriture du spectacle, j’ai testé les connaissances des gens autour de moi et je me suis rendu compte que même un grand nombre de collègues du milieu des arts ne connaissaient pas Jérôme Bosch !

J’ai donc eu envie de créer un réel hommage à cet artiste afin de le faire découvrir à un plus large public, d’où le parti-pris de rendre son œuvre accessible directement aux spectateurs à travers des projections vidéos plutôt que de simplement l’évoquer de manière abstraite. Et puis quoi de mieux qu’un prof passionné de Bosch pour nous guider à la découverte de son œuvre ?

Pour imaginer le rôle du Professeur Thomas dans le spectacle, je me suis inspiré du Bosch Research and Conservation Project, un regroupement international de chercheurs spécialistes de l’œuvre de Bosch, qui a œuvré pendant sept ans à préparer la grande exposition pour le 500e anniversaire de la mort du peintre, présentée au Het Noordbrabants Museum à Bois-le-Duc en 2016. J’ai donc imaginé un intellectuel passionné qui aurait consacré sa vie à l’étude de l’œuvre de Bosch mais qui, par le fait même de cette passion dévorante, aurait négligé de réellement s’investir dans sa propre vie. À la veille du point culminant de sa carrière, alors qu’il cherche le sens profond de l’œuvre de Bosch pour rédiger la conclusion de la conférence qu’il doit prononcer à l’ouverture de cette grande exposition, le professeur Thomas se retrouve confronté au sens de sa propre vie.

En quoi ce spectacle se différencie de tes autres mises en scène avec les 7 Doigts, tels que Vice & Vertu ou Triptyque ?

Chacune de mes créations diffère souvent de la précédente et de la suivante puisque chacune d’entre elles représente un univers différent. L’une des choses que je préfère le plus dans mon travail de directeur artistique est la possibilité d’explorer différents processus de création et différents métissages du cirque avec d’autres formes artistiques.

Triptyque, créé en 2015, était un projet motivé par un désir très personnel d’explorer les possibilités de dialogue entre la danse et le cirque. Je pouvais aller à la rencontre, autant comme directeur artistique qu’interprète sur scène, du processus créatif avec trois chorégraphes de renom. Ma collaboration avec ces chorégraphes m’a permis d’explorer un travail plus abstrait et moins narratif que mes créations précédentes via une approche essentiellement chorégraphique.

Vice et Vertu, créé en 2017 pour le 375e anniversaire de Montréal, était une fresque historique inspirée d’événements et de personnages réels qui ont marqué l’histoire de Montréal. Dans le cadre de cette création, j’ai fait appel à un historien ainsi qu’à un dramaturge pour peaufiner le scénario et les textes de ce parcours-spectacle immersif de plus de trois heures qui mettaient en scène près de 80 personnages du Montréal des années 1910 à 1950. Cette création, dont la distribution comptait une trentaine d’artistes, m’a donné l’opportunité de collaborer avec des acteurs et des musiciens en plus des artistes de cirque. Cette opportunité m’a permis d’approfondir une approche plus théâtrale de la mise en scène en complémentarité avec les arts du cirque.

Bosch Dreams est une réponse à une commande, en quelque sorte, afin commémorer le 500e anniversaire de la mort d’un peintre célèbre. Il y avait donc aussi un grand travail de recherche historique et de documentation à effectuer en amont. Et lorsque j’aborde un projet de création, c’est pour moi un plaisir aussi grand d’avoir un thème ou un sujet imposé pour ainsi avoir à le découvrir et se l’approprier, que de partir de la page blanche avec mes seules envies artistiques comme piste de recherche. Je crois que ce qui distingue réellement Bosch Dreams de mes autres créations est ce mélange unique entre le cirque et le cinéma d’animation. La collaboration avec un animateur/illustrateur dès l’étape d’écriture du spectacle m’a permis d’imaginer des liens, des transitions et des effets de mise en scène qui nous entraînent de manière parfaitement fluide entre le spectacle vivant et le cinéma d’animation.

Lorsque l’on assiste au spectacle, on se voit transporté dans un univers imaginaire où des tableaux prennent vie. Comment avez-vous réussi un tel résultat pour Bosch Dreams?

L’univers des peintures de Bosch avec son aspect surréaliste et onirique se prête bien à imaginer toute sorte de fantaisies; tout est possible dans ce monde peuplé d’animaux imaginaires, de fruits géants, de monstres et d’allégories! Les tableaux de Bosch prennent vie tout au long du spectacle grâce aux rêves entrecroisés des différents personnages et à leurs allers-retours entre le monde réel et celui des peintures de Bosch. Ces voyages « spatio-temporels » sont notamment marqués par des éléments de décor ou des personnages des peintures de Bosch qui apparaissent d’abord sous forme de projections vidéo avant de faire irruption sur scène. L’inverse se produit également, où des personnages issus du monde du réel, tels que Jim Morrison, Dali, ou la fille du Professeur Thomas, voyagent depuis la scène jusqu’à l’intérieur d’un film d’animation où les paysages et les personnages de Bosch prennent vie.

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