CRITIQUE

Réversible mars 28, 2017

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Article de Le Monde – Paris –
Le grand chahut de la vie en accéléré.

 Le nouveau spectacle de la troupe Les 7 doigts de la main, « Réversible », fait valser les murs.

Deux portes, deux fenêtres et des roulettes. Outillage minimum, scénographie maximum, avec multiplication des cadres et des points de vue pour le spectacle Réversible, nouvelle production pour huit interprètes de la compagnie de cirque canadienne Les 7 doigts de la main. Les murs valsent, les lits basculent, les battants claquent, c’est le chahut de la vie en revue acrobatique qui fait grimper aux rideaux au sens propre et figuré. Et c’est réversible jusque dans les décors.

La tornade de Réversible emporte avec elle des séries de prouesses rarement vues. Chaque membre de cette troupe juvénile se révèle un as dans différentes pratiques. Julien Silliau jongle avec des casquettes, joue du fouet, se révèle un fabuleux porteur, mais encore un expert en roue allemande. Emilie Silliau fait accéder l’éventail au statut d’accessoire de cirque et s’amuse de sa corde lisse. Jérémi Lévesque et Vincent Jutras décollent comme des fusées sur la planche sautoir. Parmi les raretés, des pas de deux invraisemblables autour du mât chinois et un numéro de charme encerclé de hula hoop.

Le plus de ce circuit imprévisible : chacun des visages des acrobates, tous beaux et égaux dans l’action, se détache sur le fond du tableau ; chacun, quel que soit son tempérament, est inoubliable. Et ce n’est pas une mince affaire dans le contexte d’un cirque fait d’exploits qui foncent.

blog roueVirtuosité extrême

La simplicité des interprètes en tenue quotidienne, leur façon de jouer sans se dissimuler derrière aucun make-up théâtral (ou si peu) contamine la perception de leur virtuosité extrême. Elle s’auréole d’un naturel étrange, libère un sentiment d’authenticité humaine intense alors même qu’elle atteint des sommets d’artifice technique. Cette arme est l’outil d’une mise à nu vécue comme une haute définition de soi-même. Avec ses échecs assumés. Lorsque la virtuosité n’est pas un bouclier de perfection, elle devient magique.

Le don total de la troupe ne fait pas dans l’économie

Faire tourner en permanence huit acrobates sur un plateau relativement étroit au milieu de décors sur roulettes toujours en mouvement n’est pas le moindre exploit de Réversible. L’enchevêtrement des situations file avec la fluidité imparable d’un trafic aux heures de pointe. Des flashs d’ensemble fugaces, des liaisons dansées ramassent l’énergie pour que chacun reparte à l’attaque. Avec un esprit pacifique et souriant qui émeut, tant le don total de la troupe ne fait pas dans l’économie.

Réversible, label 7 doigts de la main, est signé d’abord par Gypsy Snider, auteur de Loft (2002) et Traces (2006), véritables tubes de la troupe. L’acrobate et chorégraphe a eu l’idée du spectacle lors d’un séjour dans la ferme qui appartient à sa famille depuis quatre générations située au cœur du Massachussetts, aux Etats-Unis. Seule, sans aucun autre voisin à des kilomètres, elle plonge dans ses souvenir et dans la ronde de toutes les femmes qui ont vécu à cet endroit. La petite maison de Réversible prend corps et, avec elle, cette ribambelle circassienne lancée à fond de train.

Par Rosita Boisseau
 SOURCE ORIGINALE DE L'ARTICLE 

 

 

 

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